Nous rendons hommage à papa, un homme de 88 ans.
Demain est un jour férié au Sénégal, notre pays d’enfance, ce sera la fête de l’Indépendance, commémoration d’une liberté retrouvée.
Là-bas, il y a un dicton qui dit « un viel homme qui meurt, c’est une bibliothèque qui brûle ».
Dans la bibliothèque de papa, papi Michel, l’oncle Michel, il y a VOUS : famille, belle famille, enfants, petits-enfants, amis, ici présents. Il y a tous ceux qui se joignent à nous par la pensée ou la prière, depuis la Provence, l’Aquitaine, l‘Occitanie, la Bourgogne, Le Nord, les Etats Unis, l’Uruguay, Dakar …
MERCI infiniment.
Dans sa bibliothèque, il a des tas d’histoires ! Celles d’un petit blond aux yeux bleus, né le 26 février 1937 dans les Ardennes, dernier d’une fratrie de 7 enfants, 5 sœurs et un frère ; avec les années cela représente 15 neveux et nièces qui ont des souvenirs généreux de notre vie de famille.
Et oui, c’est toujours les yeux pétillants qu’il racontait comment il a découvert le chewing-gum et les bananes avec les Américains en 1945, comment à 18 ans il fabriquait le comté, les fromages à pâte dure ou à pâte molle, dans son école de l’industrie laitière à Mamirolles dans le Jura. C’est là qu’il a rencontré son grand et fidèle ami Paul Ricochon. Ils se taquinaient toujours tous les 2 sur leur âge et le respect car ils n’avaient qu’un seul jour d’écart.
Ils pétillaient encore ses yeux, quand il est arrivé à Fréjus pour démarrer son service militaire : la mer, les palmiers, et là aussi son amitié avec Jean Pierre Froment qu’il considérait comme un frère et qui deviendra le parrain de Jean Marc…. (nous avons une pensée chaleureuse pour lui)
Puis l’Afrique, le Sénégal à la place de l’Algérie. Monsieur est fièrement chauffeur du colonel à Dakar. Les à-côtés de la vie militaire lui permettront de rencontrer Mario Da Sylva Gomes, fidèle ami cap-verdien qui lui présente sa sœur Danielle….la suite ? ils vécurent heureux et eurent 3 enfants.
Puis Orist, la maison landaise baptisée Les Hibiscus, qui sera d’abord une maison de vacances avant de devenir en 1995 la maison d’une retraite active.
Au-delà de ce récit que d’autres complèteront, Michel avait des valeurs ancrées. Et je m’adresse particulièrement à ses petits et arrière-petits- enfants : votre grand-père, c’est quelqu’un !
Quelqu’un qui est fier de son nom, d’origine flamande ; il le prononçait avec insistance en plaçant toujours son prénom d’abord.
Quelqu’un qui a le sens de la famille et de l’amitié : parcourir la France pour rendre visite à chacun, même à ceux à qui ils reconnaissait des caractères bien marqués, comme sa sœur Anne Marie.
Quelqu’un qui a le sens de l’humanité, une joie de vivre et le sens du partage. Il était toujours heureux de recevoir du monde dans sa maison, de raconter ses aventures, de passer des bons moments avec ses amis. Il dansait la valse, le tango et surtout le passo doble.
« C’était une figure d’Orist » m’a dit Madame le Maire, très actif dans son village, du cabaret au club des ainés ruraux, il était apprécié de tous.
Quelqu’un d’honnête, incapable de mensonges et parfois tellement honnête qu’il était déconcertant. N’est-ce pas Bernard ? quand papa lui rend visite à l’hôpital à Dakar après un accident qui le défigure ; et qu’il lui dit « ben dis donc t’es sacrément amoché » alors que Bernard attendait du réconfort de la seule famille qu’il avait sur place.
Quelqu’un qui prend soin de ses biens : sa maison, son jardin tondu au cordeau, sa voiture, son atelier rangé au carré. Il avait le goût des trésors de la nature, les souches, des galets mais aussi les animaux qui ont partagé sa vie : poules, lapins, pigeons, sa chienne Chipie et son perroquet Kirou. Il prenait toujours le soin d’être élégant, même quand il ne quittait plus sa chambre, et cultivait volontiers son look à la Jean Gabin.
C’était un artiste de ses mains : les colliers de coquillage, le bois, le ciment, la mosaïque, la vannerie, le jardinage, la cuisine. C’était un inventeur au point de créer une éolienne avec des bouteilles en plastique pour puiser l’eau à N’Gaparou. Il était aussi photographe et avait partagé toutes ses photos du Sénégal lors de soirées de projection en plein air sur le fronton d’Orist. Alors il s’animait pour raconter l’Afrique.
Il était hypersensible, très émotif, et incapable de gérer les émotions négatives. Il débordait d’amour et de fierté pour ses enfants, mais son soutien dans les moments difficiles s’arrêtait à un « ça va aller », c’était trop pour lui, il était submergé par l’anxiété.
Quelqu’un de résilient, face au harcèlement moral de sa patronne à Saprolait, face au burn out et la dépression qui ont accéléré son départ à la retraite, face au départ des enfants qui a tour de rôle sont partis à 5000km pour entamer leur carrière militaire et leurs études ; face à la maladie de maman et son départ en 2009 ; face à sa propre vieillesse, conscient de ses pertes cognitives progressives.
C’est quelqu’un qui a osé choisir, osé décider de sa vie. Oser quitter son pays, oser épouser une femme de couleur, oser quitter sa maison d’Orist pour l’Ehpad de Peyrehorade. Il n’avait pas choisi de venir à Tours, pour cette étape, il a choisi de faire confiance à ses enfants.
On dit que la liberté, c’est le pouvoir de choisir.
C’est un homme libre,
C’est un membre de la famille BLANCKAERT qui honore sa devise : « vivre libre ou mourir ».
Merci.