Elles s’appellent Claudette, Jeannine, Andrée, Nathalie, Alexandra, Claire... Elles sont nos joies, nos peines, nos peurs, nos douleurs. Elles s’appellent Claudette, Jeannine, Andrée, Nathalie, Alexandra, Claire... Elles sont de marbre, d’argent, de fer, de satin, de coton. Elles s’appellent Claudette, Jeannine, Andrée, Nathalie, Alexandra, Claire... elles sont puissantes, fortes, fragiles, défaillantes. Elles sont nos épées, nos boucliers, nos forteresses, elles sont immenses, géantes, invincibles. Elles sont les silences trop lourds à porter, les éclats de voix qui déchirent les ciels d’été. Elles sont les histoires d’un temps passé et d’un temps qui reste à venir. Elles s’appellent Claudette, Jeannine, Andrée, Nathalie, Alexandra, Claire... Elles sont nos mères, nos filles, nos nièces, nos amies, toutes celles qui les ont précédés, toutes celles qui leur succèderont. Elles sont celles qui, dans leur immensité de femmes, resteront éternelles. À travers elles, c’est une constellation infinie d’amours qui s’écrit dans les firmaments, à travers elles c’est notre histoire qui commence et se termine.
Je me souviens. Je me souviens de toi, entière et vivante, brulante. Je me souviens de la lumière de l’enfance dans tes yeux, de tes sourires parfois fragiles, de tes rires comme des étincelles, tes rires qui pouvaient mettre mes tristesses en échec. Je me souviens de ta peau, du sang dans les veines bleues, de la chaleur de tes gestes. Je me souviens de tes mains qui conservent les traces de la destinée, tes mains sur lesquelles se dessinent les cartes du monde, leur monde, le mien, une vie toute entière gravée sur ta peau. Une vie faite de bosses et de sillons infinis, tracés dans ta chair, comme autant de montagne et de rivières, comme autant de paysage en devenir, autant de vies passées et à venir. Je me souviens de l’odeur des bains et de la poudre, de tes cheveux de cendre et d’argent, comme un fleuve baigné dans la lumière de l’hiver, ta coquetterie. Je me souviens des gourmandises coupables, des pâtisseries inavouables, elles resteront notre plus grand secret. Je me souviens de l’histoire des étés passés, des longues balades à vélo pour conquérir les plaisirs de l’enfance. Avec toi, à travers toi, c’est lui que je découvrais, c’est eux. Je me souviens de tes peines, de tes larmes devant l’absence qui se dessinent à plusieurs milliers de kilomètres, je me souviens de l’avoir partagé cette peine immense, cette déchirure. Je me souviens de ta fierté. Je me souviens de ta force, de tes bontés, de tes colères. Je me souviens de l’odeur des roses. Tu sais que le parfum des roses est éternel ?
Tu es l’amour qui résiste à des milliers de kilomètres, l’amour qui fend le ciel et nous ramène les uns aux autres. Tu es le foyer, tu es ce lieu infini dans lequel nous nous retrouvons. Tu es immense. Tu m’as offert le don de ta complicité, des regards et des rires partagés, tu as tracé dans ma propre existence un chemin que je ne pouvais qu’espérer, avec eux, par toi. Je garde en moi cette joie.
Je sais la fin, je sais le cœur qui s’épuise, je sais la douleur des départs, des absences et des abandons. Je sais l’indicible chagrin face à la perte. Je sais les yeux brulés de larmes, les gorges comme des déserts, les cœurs lestés de plombs. Je sais aussi que tu nous précèdes, qu’ils et elles porteront au monde ton souvenir. Je sais que celles et ceux qui te succèdent, héritiers et héritières de ta mémoire, donneront naissance à de nouvelles joies, à de nouveaux éclats à de nouvelles histoires. Ils poursuivront les chemins, traceront sur leurs mains de nouveaux sillons. Je sais l’immortalité de l’amour quand il est juste. Je sais les peines insondables qui nous unissent.
Bercé du souffle de celles et ceux qui portent l’amour de toi, tu t’éteins. Dans un dernier souffle, le temps d’un battement éphémère, tu nous quittes, couronnée de milliers de roses. Une tendresse dans les absences, une main serrée jusqu’à la fin, les yeux brouillés des aurevoirs que l’on murmure dans un soupir. Tu pars, auréolée des ailes de celui qui fendit le ciel pour mieux te revenir. Les plus belles preuves d’amour sont celles que l’on tait à jamais.
Je fais le vœu, pour les tiens, que les chemins à venir soient constellés de milliers de joies, que ton souvenir se fasse talisman, que ton nom devienne incantation. Que les bonheurs à venir mettent la mort en déroute pour proclamer la vie, ta vie, leur vie.
À Claudette, Rose QUEREL dite Mémère
Pour toutes les pâtisseries passées à venir.